De 1936 à 1948, Marc-Aurèle Fortin parcourt la province, découvrant ainsi des lieux tels que la ville de Québec et la région de Charlevoix. Ces voyages lui inspirent un grand nombre d’aquarelles, qu’il retravaille ensuite à l’huile dans son atelier de Montréal. Dans La croix de chemin, Fortin a probablement transformé la saison estivale de son aquarelle en une scène hivernale. Dans ses grands tableaux sur fond noir, la lumière semble jaillir des maisons colorées, le pigment lui-même devenant source de lumière, particulièrement la neige qui recouvre les toits.

Ce tableau est présenté dans le livre Marc-Aurèle Fortin : l’homme à l’œuvre de Guy Robert. L'auteur y montre que, pour Fortin, la maison rurale peut avoir plusieurs dimensions La première est anecdotique : l'artiste y relève les divers types d’architectures, comme les formes de toits, pignons, cheminées et croix de chemin des villages québécois. La seconde dimension est d'ordre graphique, où Fortin se permet de distordre les formes des maisons, s’éloignant ainsi de la simple représentation du paysage rural. Enfin, la dimension affective révèle la nostalgie et le regret de Fortin pour un mode de vie rural en voie de disparition. Fortin exprimait d'ailleurs ce sentiment en 1945 : « Les populations rurales n’ont aucun goût artistique. Elles sont d’une ignorance crasse et ne comprennent pas que ce qui fait le charme d’un village, ce qui lui donne son caractère qui attire les visiteurs, ce sont ces antiques demeures construites par leurs ancêtres. Au lieu de les conserver pieusement, de les garder telles qu’elles sont, on s’efforce de les rajeunir, de leur donner une apparence moderne. »¹

Fortin n'est pas seul à exprimer ce point de vue : Marius Barbeau et Jean-Paul Lemieux, entre autres, partageront des opinions similaires quelques années plus tard

¹ ROBERT, Guy, Marc-Aurèle Fortin , l’homme à l’œuvre, extrait des propos de Marc-Aurèle Fortin, cité d’abord par Albert Laberge et repris par l’auteur, page 121,